Graine de bitume

oct 16, 2015 / 0 comments

La ville de Grenoble a lancé en 2012 un dispositif de soutien à l’habitat coopératif, par lequel des groupes d’habitants assurent eux-mêmes la promotion de leur logement collectif en créant une coopérative, c'est-à-dire une société coopérative (SAS en l’espèce) régie par le code du commerce et la loi de 1947 portant statut de la coopération. Ce dispositif est intéressant puisqu’il permet, par un effet de levier financier, à des ménages qui n’ont pas les moyens de la pleine propriété d’accéder à un logement pérenne et transmissible dans le parc privé, de grande qualité, à un moindre cout et sans intervention massive des pouvoirs publics. En effet, la majorité de l’endettement pour financer le projet est fait par la coopérative. Les ménages actionnaires, ne risquant que leur apport initial, ne s’endettent pas personnellement mais versent à la coopérative une redevance avec laquelle elle rembourse sa dette. L’aspect coopératif ne change rien au montage financier, qui, en cas de mauvaise gestion ou  de surendettement de la société coopérative, peut déboucher sur des catastrophes comparables à celle des subprimes. Cela a déjà été le cas en Scandinavie dans les années 80.

J’ai été sidéré par les décisions prises par la municipalité grenobloise pour soutenir le par ailleurs excellent projet « Graine de bitume ». L’octroi à ce groupement d’un bail à construire de 60 ans pour un euro symbolique par an  sur un terrain municipal de la ZAC Beauvert pose deux problèmes juridiques :

 La coopérative graine de bitume n’existant par à la date du vote de la délibération 32- A010 (21 septembre 2015), le Maire ne peut pas demander et obtenir l’autorisation de signer ce bail. Graine de bitume est une association loi 1901, non pas une coopérative sens de la loi, c'est-à-dire une société inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés. Cette délibération est nulle et le Maire, en qualifiant Graine de Bitume de Coopérative dans cette délibération, a peut-être commis un faux en écriture publique.

 La Ville de Grenoble pourrait se voir dans l’obligation d’accorder à tout opérateur économique qui en fait la demande les mêmes conditions, car une coopérative est une entreprise comme une autre, qui  rentre en concurrence directe avec les promoteurs immobiliers.

La municipalité démontre une méconnaissance profonde de ce qu’est le logement coopératif et des principes qui garantissent le succès de ces initiatives privées : responsabilité, indépendance et autonomie. La SAGES, un aménageur municipal qui était propriétaire du terrain jusqu’à ce que la Ville le lui rachète, aurait pu le vendre directement à Graine de Bitume au prix social, puisque les ménages qui composeront la future coopérative répondent à des plafonds de revenus.

La municipalité grenobloise nous donne une magistrale leçon sur comment tuer dans l’œuf l’habitat coopératif. Chercher à s’accaparer sa paternité politique et à contrôler son fonctionnement est nocif, puisque l’habitat coopératif n’appartient qu’à ceux qui décident de s’en servir en toute autonomie : les habitants.
 

Texte : Pascal Clerotte
Photo : 

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