Chroniques des Hauteurs - N°2

oct 03, 2015 / 0 comments

Bonjour
Posséder un médecin lors d’une expédition à l’Everest c’est une merveille...Mais cela entraîne quelques inconvénients... En 2003 au camp de base de l’Everest, mon ami médecin Régis avait créé un véritable petit hopital de campagne. C’est vrai que sa tente frappée d’une croix rouge avait une certaine allure sur le glacier à 5 300 m d’altitude...A l’intérieur il y avait à peu près tous les outils nécessaires pour à peu près toutes les situations médicales les plus hasardeuses . j’avais pu observer des années plus tôt une curieuse opération d’hémorroïdes réalisée quasiment à l’opinel sur une table de camping, qui servait habituellement de table à manger...Mais cette époque était révolu et là en 2003 pour fêter les cinquante ans de l’ascension de l’Everest, nous disposions du matériel le plus innovant qui soit. Bon, en tant que chef d’expédition j’ai eu quand même quelques sueurs froides par exemple quand une expédition voisine de la nôtre nous confia un sherpa qui se plaignait de douleur terrible au ventre. régis en effet commença par diagnostiquer des symptomes qui ressemblaient furieusement à ceux produits par une crise d’appendicite... Je servais d’assistant et fus vraiment très inquiet lorsque le toubib m’annonça qu’il n’y aurait peut être pas le choix et qu’il faudrait opérer...Seul petit hic, il n’était pas chirurgien et c’est via un téléphone satellite avec un vrai chirurgien que nous étions censés réaliser cette opération incertaine...Finalement après quelques antalgiques et tout de même une intubation (essayez de faire ça avec des moufles par moins dix degré avec une lampe frontale comme seul éclairage!) , le sherpa pu être évacué en hélicoptère et traité sans problème à Katmandou....En réalité, j’ai vraiment gagné mes galons d’aide soignant quand, en pleine nuit, nous avions récupéré un summiter de l’Everest, c’est à dire quelqu’un qui revenait du sommet et qui était , disons le , passablement tonché. Après avoir traité ses gelures, l’avoir requinqué avec moultes boissons et bonne nourriture , nous avions conduit le héros près de sa tente et le medecin, un infirmier et moi même nous avions commencé à le déshabiller ... C’est là que gêné, notre ami nous signala au passage qu’un désordre intestinal sévère l’avait surpris à 8 000 m et qu’il n’avait pu se déshabiller ! A l’odeur, nous aurions pu le deviner sans qu’il ne nous l’avoue. Eut lieu alors cette scénette surréaliste : notre homme tout nu sur la moraine à 2 ou 3 heures du matin et l’ami François , infirmier urgentiste et moi, apprenti aide soignant , récurant avec des kilos de sopalin le corps amaigri et souillé de notre pote vainqueur du toit du monde... La scène si triviale fut–elle nous faisait hurler de rire et comment dire, il y avait quelque chose d’émouvant que ce soin incertain dans ce paysage hallucinant de l’Everest. Quand nous avons couché notre summiter tout propre dans son duvet et que nous avons considéré nos sacs poubelles remplis de papier, nous avons éprouvé un sentiment de bien être . Oui nous avions fait quelque chose de digne et souvent je pense à tous ces infirmiers, ces aides soignant qui lavent les corps meurtris, les corps trop vieillis et je comprends mieux que cela peut être un beau geste d’amour.
 

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